Détenteur d’une coupe d’Algérie avec le CR Belouizdad en 1978, Mustapha Kouici nous parle dans cet entretien de cette belle affiche MCA-CRB qui tient en haleine des milliers de supporters, à Belcourt et à Bab-El-Oued. Le consultant de l’ENTV, ex-défenseur international, ex-entraîneur, éducateur, analyse pour vous ce derby algérois qui s’annonce palpitant entre les deux clubs rivaux.
Entretien réalisé par Nasser Souidi
La finale de la coupe d’Algérie MCA-CRB n’est-elle pas l’occasion idéale pour sensibiliser les supporters algériens autour des valeurs de fair-play et de civisme ?
La violence ne devrait pas exister dans le football, ce n’est qu’un jeu, quand on perd, ce n’est pas la fin du monde. Depuis belle lurette, on cherche les solutions adéquates, et j’avoue qu’on ne les a pas encore trouvées. Donc il faut bien y réfléchir, réunir toute la famille du football pour que chacun donne son avis, ne serait-ce que pour faire diminuer ce fléau. Il y avait une violence énorme en Angleterre, comment sont-ils parvenus à l’endiguer ? Voilà la question qu’il faut se poser.
Que doit-on faire alors, selon vous ?
On doit faire de cette finale un exemple et essayer de faire passer le message, par une bonne campagne de sensibilisation, Faire par exemple parler des joueurs de chaque côté. Nous avons les médias pour ça ! Cette finale sera suivie dans le monde entier, ça va véhiculer l’image de l’Algérie ! La Fédération et même le ministère doivent se pencher sur la question et prendre des mesures d’apaisement. C’est la nervosité qui aboutit à la violence. J’espère que les supporters seront mis dans de bonnes conditions le jour du match.
Sinon, qui est votre favori ?
Dès le départ, je dirais que c’est du 50/50. Si ces deux équipes sont en finale, c’est qu’elles le méritent. Mais cette année, c’est un peu spécial, la date du 5 juillet est tardive quand-même. Il faut le dire.
Vous auriez souhaité une meilleure programmation ?
On devait libérer les joueurs pour qu’ils se reposent et aillent se ressourcer. La fatigue, la décompression, ce sont des paramètres à prendre en considération. Dans le monde entier, les finales se jouent avant la fin du championnat. Mais il doit y avoir des considérations que nous, on ne connaît pas.
Et concernant le championnat ?
Il faut reconnaître que cette saison a été meilleure que les précédentes. Ce n’est pas parfait, mais il y a une amélioration. J’espère que l’année prochaine sera encore mieux. Toujours est-il que pour moi, programmer la finale le 5 juillet a été une erreur.
Vous parliez du physique des joueurs, ce sera donc le facteur le plus important, selon vous, durant ce derby ?
Le physique jouera un rôle prépondérant. À 17h, il fera chaud, quand-même. C’est étonnant, mais il doit y avoir des raisons. Nous, consultants, anciens joueurs, journalistes, on ne maîtrise pas tout ! Je pense que l’équipe qui saura être au top physiquement, c’est elle qui aura le plus de chances de l’emporter. Et là, le CRB aura un avantage. On l’a vu face à l’USMA, c’est une équipe qui peut jouer les prolongations. Même au niveau des tirs aux buts, le CRB est bien armé avec son fameux gardien. Ça me rappelle d’ailleurs la finale qu’on a gagnée en 1978, on a gagné deux fois aux prolongations et tirs aux buts, grâce à Elam Abdellah, le héros de cette finale ! Je donne un léger avantage au CRB, et puis, j’aimerais bien qu’il l’emporte, c’est mon club !
Vladimir Petkovic assistera à la finale. C’est une bonne chose, n’est-ce pas, que le sélectionneur soit sur place, pour mieux superviser le football local ?
Absolument. Être sélectionneur, ce n’est pas uniquement suivre les joueurs à l’étranger. Nous avons des locaux qui ont été sélectionnés et qui ont fait une grande carrière ! Ça, il ne faut pas l’oublier ! Toujours est-il que Petkovic a montré sa bonne volonté. Il a visité les clubs, s’est renseigné sur les joueurs susceptibles de rejoindre l’EN. Je trouve que c’est une très bonne chose, ce qu’il fait. Ça ne m’étonne pas qu’il soit présent le 5 juillet au stade olympique.
Restons sur Petkovic. Selon votre expérience, quelles sont les priorités du sélectionneur ?
Sa première priorité, c’est la qualification au Mondial. Mais pour cela, l’équipe doit améliorer son organisation défensive. On a un problème dans l’axe, on change à chaque fois de duo. Depuis la paire Bouguerra-Antar Yahia, on n’a pas encore trouvé un duo stable. Et Il faut qu’il y ait une meilleure cohésion au milieu. On souffre aussi de manque d’efficacité au niveau de l’attaque. On se crée des occasions certes, il y a de l’animation offensive, mais on a du mal à conclure. Actuellement, nous n’avons pas de chasseur de buts.
Comme chaque saison, on parle de combines et de matchs truqués. Est-ce devenu une tradition en Algérie ?
Déjà, je condamne fermement cette pratique. Surtout au niveau des jeunes, tu peux briser leur carrière. C’est vrai qu’il y a eu des témoignages, mais il n’y a pas de preuves concrètes. Si vraiment ils ont des preuves, alors on doit les écouter, et les autorités doivent bouger et enquêter. On doit sanctionner d’une manière très sévère ces méthodes. Quitte à radier à vie ces gens-là du sport.
Après une première sortie de Walid Sadi, la Fédération algérienne de football a encore dénoncé, le 22 juin dernier, une campagne de dénigrement contre l’équipe nationale. Y croyez-vous ?
Cette chanson est devenue un disque rouillé. Même les anciens présidents de la Fédération tenaient ce discours, comme quoi il y a une autre partie qui veut déstabiliser le groupe. Je ne suis pas l’avocat de Sadi, mais je suis contre tous ceux qui voudraient le dénigrer. Il vient de commencer ! La critique doit être constructive. Si c’est pour déstabiliser une équipe, moi je suis contre. Moi, je dis au groupe de continuer à travailler pour atteindre son objectif et bâtir une bonne équipe. Faire fi de ces critiques, ce ne sera ni la première fois ni la dernière fois qu’on les critiquera. Les critiques ont toujours existé, ça ne disparaîtra pas, même si on est champion du monde. Mais il faudra surtout développer le football local…
Ne trouvez-vous pas que certains consultants n’ont pas leur place sur les plateaux télé ?
Comme c’est le cas avec certains journalistes, il faut le dire aussi. L’expérience footballistique et le niveau mental sont exigés. A qui incombe la faute ? Aux responsables des médias qui laissent ces gens qui n’ont rien à voir avec l’analyse du football. Mais que ce soit les journalistes, les consultants ou bien les responsables, il y aura toujours des brebis galeuses. L’analyse doit être positive et logique, il faut dire la vérité. Donner son avis, mais dans le respect et l’éthique du sport.
Mis à part le consulting, avez-vous d’autres occupations ?
Avec des amis, des anciens footballeurs, on s’occupe d’une école de football qui s’appelle « Forme Foot ». Elle existe depuis quinze ans. Il y a un très bon travail qui est fait par des anciens, les Meziane, Demdoum, Badache, Mouissa…, ils ont beaucoup de choses à inculquer aux jeunes. Cela, avec le concours de M. Réda Malek, l’ex-président du CRB, qui nous accompagne toujours et que je tiens à remercier vivement ! Cette école a réussi à former de bons joueurs, qui font actuellement les beaux jours de certains clubs de Ligue 1, comme Mouali au MCA, et Zerrouki au CRB.
Pour finir, dites-nous comment trouvez-vous le contenu d’InfoSport ?
Infosport, c’est un de mes journaux préférés, d’ailleurs je vous lis presque tous les jours. Un journal que je peux qualifier de très sérieux, professionnel, qui ne fait pas dans la polémique, qui ne dépasse pas son cadre. Qui essaie de se mettre au niveau des autres parties pour essayer de développer le football. Donc je vous souhaite encore beaucoup de succès. Croyez-moi, vous êtes sur la bonne voie, il faut continuer.
N. S.