Oussama HellalBerouane découvre la natation à l’âge de six ans en 2005, amorçant ainsi son voyage dans le monde du sport. De la natation à la sélection nationale, il se distingue rapidement par des titres nationaux successifs et entre sur la scène internationale en 2015 lors des Jeux méditerranéens de Pescara, en Italie.
En 2016, une blessure à la clavicule subie lors d’une sortie à vélo va cependant redéfinir son parcours. Poussé par l’héritage sportif de son père, ancien cycliste, il trouve dans le triathlon une nouvelle passion, où son talent va encore s’affirmer. En 2017, il fait ses débuts dans cette discipline au meeting international de Rabat, au Maroc, où il décroche sa première médaille d’argent !
L’année suivante, il représente l’Algérie aux Jeux méditerranéens de Tarragone, en Espagne, et se classe à la 15e place, marquant ainsi son entrée dans le monde professionnel. En 2019, il brille aux Jeux africains de Rabat, obtenant le bronze en individuel et une médaille d’argent en relais mixte. Sur le plan national, il domine le triathlon avec cinq titres remportés lors des championnats nationaux.
Malgré un parcours remarquable, Oussama n’a malheureusement pas réussi à décrocher sa qualification pour les derniers Jeux olympiques de Paris. Comment un athlète de son calibre a-t-il pu manquer cette opportunité mondiale ? La réponse dans cet entretien, au cours duquel Oussama Berouane nous dévoile les réalités parfois décourageantes du triathlon en Algérie.
Entretien réalisé par Nasser Souidi
Comment se fait-il qu’un athlète aussi talentueux que vous n’ait pas pu se qualifier pour les JO de Paris ?
En réalité, les titres nationaux ne sont pas pris en compte pour la qualification aux Jeux olympiques. Seules les compétitions internationales, comme les coupes d’Afrique et les Coupes du monde, permettent de cumuler les points nécessaires. Malheureusement, notre Fédération n’a pas respecté le calendrier de ces événements.
Pour quelles raisons, selon vous ?
Honnêtement, je ne le sais pas exactement. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il existe probablement des problèmes qui entravent les améliorations.
Etant le meilleur dans votre discipline, quel est votre avis sur le niveau du triathlon en Algérie ?
Les performances du championnat, comme celle du deuxième qui termine en trois minutes dans un sprint de triathlon, révèlent un manque de formation adéquate. Pour ma part, j’ai eu une excellente formation avec mes entraîneurs du club Area Wellness, ce qui nous a permis de remporter une médaille d’or à Dubaï. J’ai également réussi dans plusieurs compétitions internationales et intégré la Team SPIX en France,à Toulouse.
Insinuez-vous que notre pays manque d’entraîneurs de triathlon qualifiés ?
Je ne voulais pas dire qu’il manque des entraîneurs qualifiés, car ceux qui m’ont formé sont tous des techniciens locaux. Le problème principal est le manque de financement et de soutien, surtout lors des compétitions internationales, où la Fédération ne nous aide pas. Les points de qualification ne peuvent être obtenus qu’à l’international, ce qui est crucial. Avec mes performances nationales, j’avais largement le niveau pour me qualifier aux derniers JO.
Quel est votre avis sur les infrastructures dont disposent les athlètes algériens dans cette discipline ?
Dans mon club, j’ai la chance d’avoir accès à une piscine et une salle de gym. Cependant, de manière générale, il faut reconnaître que les infrastructures pour le triathlon sont rares. Nous manquons d’espaces pour les étapes, alors que cette discipline regroupe la natation, le vélo et la course à pied. Si un seul sport souffre déjà d’un manque de ressources, imaginez les difficultés rencontrées par les trois sports réunis !
Qui, selon vous, se démarque le plus dans le triathlon en Afrique ?
Les Sud-Africains sont clairement les meilleurs dans ce domaine, suivis des Marocains et des Égyptiens, puis vient l’Algérie. Lors des derniers JO de Paris, quatre pays ont réussi à se qualifier : l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Togo et Maurice. Cependant, le meilleur athlète parmi ces nations n’a terminé qu’à la 40e place. À l’échelle mondiale, les Espagnols, les Français et les Anglais occupent les trois premières positions sur le podium.
En ce qui concerne les derniers JO, pensez-vous que le niveau de compétition a progressé par rapport aux éditions précédentes ?
À mon avis, le niveau de compétition était supérieur lors des JO de Tokyo en 2020. En raison de la pandémie de Covid, les athlètes ont effectué des étapes intensives et se sont entraînés en altitude. C’est ce qui explique que le niveau était meilleur.
Revenons à la situation du triathlon local. Quelles recommandations proposeriez-vous pour améliorer la situation ?
Il est essentiel de revenir aux fondamentaux et de se concentrer sur la formation de nos jeunes, mais cela nécessite de leur offrir de bonnes conditions. Contrairement à ce que nous avons connu, il faut investir dans des infrastructures et des ressources pédagogiques pour susciter l’intérêt des jeunes pour cette discipline et leur permettre de s’y épanouir.
Parlez-vous de la création de centres de formation ?
Des centres de formation offriraient aux jeunes athlètes la possibilité de s’entraîner toute l’année, contrairement à la préparation à la dernière minute qu’ils subissent actuellement, ce qui nuit à leurs performances. Ces centres garantissaient un suivi régulier et des méthodes d’apprentissage scientifique, nécessitant des techniciens qualifiés pour une formation complète de l’athlète.
Envisagez-vous plus tard de devenir entraîneur ?
J’ai un Master 2 en biologie et j’ai un diplôme d’éducateur principal en triathlon. Inch’Allah, pourquoi pas ?
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes athlètes de triathlon qui souhaitent réussir dans leur parcours sportif ?
Les contraintes mentionnées peuvent décourager les jeunes athlètes, mais il est important qu’ils ne se décident pas à abandonner trop rapidement. Ils doivent s’accrocher, se fixer des objectifs et travailler dur pour les atteindre, même si cela demande d’énormes sacrifices.
Est-ce que votre Fédération organise des stages pour les anciens athlètes, comme cela se fait à la FAF par exemple ?
Depuis 2019, date de création de la Fédération, il n’y a eu qu’un seul stage.
Ce serait bien aussi de recourir à des experts étrangers, notamment ceux qui proviennent de pays où le triathlon est développé, non ?
Biensûr. Ces experts pourraient former des entraîneurs, et comme ça, on aura des techniciens encore plus compétents qui pourront à leur tour former nos athlètes. Je peux même dire que c’est une bonne alternative. Comme ça se fait dans plusieurs Fédérations.
Quelles sont vos prochaines échéances ?
La semaine prochaine, je participe au semi-marathon de Béjaïa. Après, puisqu’on est en fin de saison, je vais prendre mon repos annuel. Au retour, on commencera à préparer la nouvelle saison, où il y a aura les championnats d’Afrique, le championnat international de Taghit, Bechar, en février 2025, où j’ai d’ailleurs été classé premier à trois reprises.
Verra-t-on Oussama Berouane aux JO de Los Angeles en 2028 ?
Inch’Allah, ces Jeux seront le déclic pour le triathlon algérien au niveau mondial.
Cela fait-il partie de vos objectifs futurs ?
Biensûr,c’est même mon objectif principal.
En tant que champion, quel message souhaiteriez-vous adresser aux autorités sportives ?
Il est crucial que les autorités sportives apportent leur soutien aux athlètes individuels, qui pourraient rapporter de nombreuses médailles à l’Algérie, au lieu de privilégier uniquement le football. Les investissements actuels sont déséquilibrés, laissant les sportifs individuels avec des salaires minimums. Un meilleur investissement dans ces disciplines pourrait permettre à l’Algérie de remporter au moins vingt médailles aux JO, compte tenu du potentiel énorme de nos jeunes.
N. S.
« La Fédération ne soutient pas les athlètes lors des compétitions internationales, malgré la présence de bons techniciens en triathlon »
« La discipline, qui combine natation, vélo et course à pied, souffre d’un manque de ressources, ce qui complique encore plus la situation »
« Il est crucial de se concentrer sur la formation des jeunes, en leur offrant de bonnes conditions pour éveiller leur intérêt »
« Les footballeurs sont favorisés au détriment des athlètes des sports individuels, qui reçoivent souvent un salaire minimum »