« Le CRB a bien défendu, était bien en place, bien en bloc, homogène avec un jeu collectif, et a marqué au bon moment »
« Les Belouizdadis en voulaient tellement qu’ils auraient même pu ajouter un deuxième but »
« Le Mouloudia était à côté de la plaque, incapable de surmonter la muraille adverse, et a perdu beaucoup de balles au milieu. En attaque, il ne fallait pas trop miser sur un Belaïli muselé »
« Petkovic et ses joueurs doivent absolument gagner leurs premiers matchs, pour plus de confiance, de sérénité et un bon état d’esprit »
« Si on veut réellement mieux organiser et développer notre football, il faudra d’abord changer les mentalités, et puis, appliquer les bonnes méthodes »
Ancien joueur, formé à la prestigieuse école du NAHD, passé de l’autre de côté de la barrière il y a quelques années, Farid Zemiti a été l’un des artisans, l’année passée, du doublé africain historique de l’USM Alger, aux côtés du « général » Abdelhak Benchikha. Pour ceux qui ne le savent pas, ce défenseur, rugueux, mais calme, sobre, lucide et d’une sérénité exemplaire est l’auteur du plus beau dans l’histoire du Nasr de Hussein Dey. C’était par une belle soirée de football au 20-Août, lors un match qui restera dans l’histoire des Sang et Or, NAHD-USMBA. Nous l’avons rencontré, il nous donne son analyse du match de coupe MCA-CRB, ainsi que son point de vue sur certains aspects liés à la gestion actuelle du football national et l’équipe nationale. Après des passages au NAHD, au MCA, au RCK, Al Ittihad en Libye, l’ES Ben Aknoun et l’USM Alger, l’enfant de Hussein Dey est aujourd’hui à la barre de la JSK toujours dans le staff de Benchikha.
Entretien réalisé par Nasser Souidi
Le CR Belouizdad a fait mieux que sauver sa saison, vendredi, en remportant la finale de la Coupe d’Algérie, face à son grand rival, le Mouloudia Club d’Alger. Quelle est votre analyse du match ?
Tout d’abord c’est une finale, bien sûr, on y va pour la gagner, pas pour la jouer. Mais sur le terrain, on a vu deux équipes qui avaient peur d’aller vers l’avant. On a vu un début de match difficile, c’était prévisible, mais bon, par la suite on a vu le CRB sortir de son camp, et aller provoquer le Mouloudia. Ils ont marqué un but, c’est vrai, sur balle arrêtée, en plus à un moment crucial de la rencontre, à deux ou trois minutes de la fin de la première mi-temps. Ce qui a permis au CRB de gérer la deuxième mi-temps, même s’ils ont reculé d’un cran et sont restés derrière, bien sûr, pour préserver le résultat. En ce qui concerne le Mouloudia d’Alger, je pense qu’ils ont eu beaucoup de problèmes à percer la muraille belouizdadie, qui était bien en place, bien en bloc. Ils ont tout fait pour revenir au score, mais c’était impossible, dans la mesure où le CRB en voulait. Ils auraient même pu rajouter un deuxième but. Puisqu’il y a eu deux poteaux, un de Meziane et un autre de Kedad. Le Mouloudia n’a pas pu mettre en place ce qu’il a fait durant le championnat. Ils ont à chaque fois cherché Belaïli, mais c’est une erreur, pour moi personnellement, car Belaïli était bien muselé par les défenseurs de Belouizdad. C’est ce qui a fait la différence entre une équipe du CRB qui a bien défendu et marqué au bon moment, et les autres, ils ont perdu beaucoup de balles au milieu de terrain. Vu la physionomie du match, le CRB mérite sa victoire et mérite cette coupe. Félicitations. Le CRB était homogène et collectif, ce qui n’était pas le cas du Mouloudia. Le MCA, sincèrement, est passé à côté de la plaque, vu ce qu’on a vu durant le championnat. C’était un match qu’il ne fallait pas rater.
Le coup d’envoi de ce derby a été donné à 17h, mais les supporters ont pris d’assaut le 5-Juillet très tôt le matin. Il y en a même qui ont passé la nuit aux alentours du stade. Trouvez-vous ça normal ?
Ce n’est pas une première chez nous. Du moment qu’on a donné 20 000 tickets pour chaque camp, et que tu as ton ticket en main, pourquoi venir passer la nuit devant le stade ou à cinq heures du matin ? C’est paradoxal, c’est incroyable. Il faut bannir ces choses, parce qu’on voit, en Europe, une demi-heure avant le match il n’y a pas de monde, les gens rentrent cinq minutes avant le coup d’envoi. C‘est une question d’organisation. Bon, j’espère que les places dans les nouveaux stades seront numérotées, et que les gens respecteront ces numéros. Mais c’est difficile, c’est vraiment difficile. Parce que c’est une finale, Mouloudia-CRB, c’est quand-même, vous le savez, un public nombreux.
D’après vous, quelles sont les solutions pour remédier à ce phénomène ?
C’est très simple, il faut changer les mentalités. On voit ce qui se passe ailleurs, Ligue des champions, coupe du monde. Les gens veulent aller au stade et en sortir, dans de bonnes conditions, passer de bons moments et assister au spectacle. L’image de notre football est assez négative. Il faut vraiment qu’on arrive à appliquer les bonnes méthodes. Il y a des gens qui font leur travail en sensibilisant les gens, mais désolé, certains…
La pelouse du stade du 5-Juillet n’était pas au rendez-vous, les joueurs éprouvaient parfois beaucoup de difficultés à maîtriser le ballon…
Il fallait arroser la pelouse pour que le ballon glisse. Aujourd’hui, il y a de nouvelles techniques pour ça. Mais ce n‘est pas la première fois qu’on voit ça, le 5-Juillet a abrité plusieurs grands derbies. C’est une question d’organisation. Mais on ne sait pas vraiment ce qui se passe…
Le sélectionneur, Vladimir Petkovic, a assisté à cette finale. De quoi motiver les joueurs locaux, n’est-ce pas ?
C’est quand même le premier responsable technique, c’est une finale entre les deux meilleurs clubs du championnat. Il est venu voir s’il pouvait dénicher l’oiseau rare. La dernière fois, il a convoqué quelques joueurs, espérons que d’autres vont les suivre.
L’Algérie va entamer sa campagne de qualification pour la CAN 2025 en septembre, dans le groupe E, aux côtés du Togo, de la Guinée équatoriale et du Liberia. Que pensez-vous de ce groupe ?
Il n’y a pas de match facile, toutes les nations progressent. Les choses sérieuses commencent, il faudra surtout ne pas rater ces premiers matchs. Les premiers matchs sont toujours importants dans un tournoi. La gagne, c’est la confiance, c’est la sérénité, l’état d’esprit, c’est tout. Mais je pense qu’avec la qualité des joueurs, ils vont reprendre. Ils étaient un peu fatigués durant les derniers matchs. En septembre inch’Allah, tout le monde sera prêt.
Comment les responsables doivent gérer cette nouvelle ère Petkovic, selon vous ?
L’Italie est sortie par la petite porte durant cet Euro 2024. Chez eux, la presse et le public italien étaient consternés. Mais quand on tombe sur plus fort, il faut l’accepter. L’Algérie, qu’on le veuille ou non, reste un des favoris pour cette coupe d’Afrique. Qui pourra maintenir cette notoriété ? C’est bien les joueurs, et les résultats positifs. Si on voit qu’on n’est pas capables, il faut donc tout revoir. Les Allemands sont sortis en quart de finale, en plus chez eux. Ils vont certainement les critiquer, c’est clair, mais les responsables, eux, ils ont une autre vision. C’est de se reprendre, de travailler d’arrache-pied. En Allemagne, on donne l’occasion à des jeunes de seize, dix-sept ans, de jouer. Ça, c’est ce qu’on appelle la planification. Celui qui sait jouer doit avoir sa chance en équipe nationale. On voit ça même en Espagne, les gens travaillent. C’est une lourde responsabilité pour les responsables qui entourent cette équipe nationale, d’engager un jeune de quinze, seize, dix-sept ans, et tu le fais jouer. Ces joueurs doués, il faut qu’ils fassent la différence à n’importe quel moment.
N. S.